Récemment approuvé par l’Assemblée Nationale et le Sénat, le projet de loi n° 1076/PJL/AN de 2020 du MINAC est une catastrophe s’il est promulgué en l’état. Malgré les vives contestations et les appels à la raison des différents acteurs culturels, le gouvernement en la personne du Ministre de la Culture, Dr Ismaël Bidoung, n’en a fait qu’à sa tête.
Tant pis pour ceux qui essaient de s’en sortir sans l’aide de l’État : ils vont devoir passer à la censure avant toute entreprise sur le territoire camerounais. On assiste alors en 2020 à une caporalisation programmée du secteur culturel au Cameroun. Pourtant le Chef de l’État nous a mis sur le chemin de la décentralisation.

Illustration de
Entretien du 25 août 2016
Peut-être parce que cet entretien figure dans un mémoire d’un étudiant de l’université de Douala, il n’a pas eu d’écho. Je me permets donc, avec la permission de l’auteur, Henri Anoko, de le publier sur mon blog.
Entretien avec Henri LOTIN, Rue Drouot, Akwa.
Jeudi 25 août 2016, 15h05 – 15h55 Fichier n°114
L’enquêté, réagissant à la suite de la présentation de notre projet et la justification de notre présence, fait le commentaire suivant pour planter le décor dans une présentation du travail qu’il fait et des services qu’il offre dans le cadre de Lotin Corp., la structure qu’il dirige.
Prolégomènes
La publicité est un moyen d’action de la communication elle-même moyen d’action du marketing. L’avantage que nous avons est que nous sommes en bout de chaîne et que nous sommes en contact direct avec l’audience des clients et que nous servons finalement de pont entre l’annonceur et son client et que nous échangeons (faisons circuler entre les deux parties) les points de vue défendus par chacune des parties. Dans l’intérêt des deux parties parce qu’on ne peut pas être juge et partie ; vous le savez.
Nous sommes obligés d’officier comme juge pour se rassurer que la promesse faite par les annonceurs sera tenue. Si oui, nous-nous engageons à vous aider. Cette démarche pose un nombre de préoccupations éthiques d’où la préoccupation de la professionnalisation de notre métier. Le métier existe, mais la profession n’existe pas encore ou est en voie de l’être. Car pour qu’un métier existe, il faut un code de déontologie, des gens qui s’assoient et fixent des règles d’existence, d’adhésion d’un groupe et des canons qui supportent et conduisent la vie dudit groupe. Bref qu’un conseil soit créé pour penser sa vie.
Pour prendre un exemple simple, il faut être inscrit au barreau du Cameroun pour exercer en tant qu’avocat et pour exercer comme médecin, il faut être inscrit à l’ordre national des médecins. Ça fait qu’aujourd’hui, l’infographie ne peut pas encore être qualifiée de profession et c’est à juste titre que le travail que Mr LELE est en train de faire trouve toute sa raison d’être et va dans ce sens pour que nous soyons reconnus comme une profession, car il est plus facile de faire confiance à une institution, à une organisation qu’à un individu qui viendrait se présenter devant vous.
Or s’il y a un conseil, une organisation qui peut se porter garant de cet individu en le reconnaissant comme membre de son organisation présentant les qualifications et la compétence nécessaires pour exercer ce métier, alors vous pouvez lui faire confiance. Donc un quitus pour exercer.
– Peut-être que c’est à ce niveau précis que nous allons commencer notre entretien
L’enquêté rétorque que :
« C’est pour cela que je disais qu’il était mieux de préparer l’entretien pour voir dans quel sens je peux vous aider » et il ajoute « C’est un peu ma problématique actuellement, je ne sais pas si ça cadre avec les réponses que vous cherchez. »
– Comme nous vous avons annoncé d’entrée de jeu, notre travail tourne autour d’une sociographie qui signale la présence tant bien que mal de l’infographie et dans un second temps voir comment est-ce que cette présence est mise en relation avec la communication publicitaire, ou encore comment cette activité construit la publicité
Question : Etes-vous infographiste ?
Oui, mais je suis un peu plus que ça. Je suis d’abord designer.

Illustration de Män Mvele
De l’infographie et du graphisme
Question : Comment définissez-vous le mot infographie ?
Infographiste est un terme qui ne me plaît pas beaucoup, mais c’est celui par lequel on nous connait le mieux. Il représente en fait une infime partie de nos activités et est un faux ami. Il vient de l’anglais “infographics” qui signifie en réalité « design d’information ou conception pour présenter l’information ».
Cette activité a commencé dans les métiers de la presse où il fallait illustrer des faits pour qu’en un clin d’œil on puisse saisir le discours et ça se représentait par les graphiques, des pictogrammes, des icones et c’est ça le métier même d’infographiste ; c’est pour cela que les usagers ont préféré le terme graphisme à celui de d’infographie. En fait, l’infographie c’est une toute petite partie d’un tout, alors que le graphisme est ce tout, donc beaucoup plus englobant. C’est pour cette raison que je préfère souvent me définir comme graphiste ou comme designer.
Question : Quels sont les champs d’action de l’infographie ?
L’infographie a plusieurs terrains d’action en dehors du print qui est en rapport avec la publicité traditionnelle donc le marketing traditionnel. Nous avons la nouvelle plateforme qui est le digital aujourd’hui ; le numérique. Ainsi nous travaillons sur plusieurs plans et moi j’ai l’avantage d’arriver à un moment où tout devenait un peu plus facile avec la démocratisation des outils de travail, ça ne coûtait plus des millions pour avoir des outils pour travailler, on pouvait avoir des logiciels pour se doter d’un matériel capable de nous permettre d’accomplir un travail.
C’est aussi vrai que 80% des logiciels opérant au Cameroun sont contrefaits (pour dire) des copies que l’on se passe entre amis et selon les affinités. Mais il faut tenir compte du prix de ces logiciels et du niveau de vie des camerounais. Il faut compter en moyenne 500 000 Frs CFA pour acquérir un logiciel de traitement d’image ou de retouche photos. Or il faut voir combien nous gagnons.
J’ai pu commencer par le print pour mieux faire le saut, le bond vers le web et ensuite vers l’industrie numérique. Parce qu’au départ, un site web a toujours été perçu comme un luxe dont on peut se passer pour faire des affaires, même encore aujourd’hui. Mais beaucoup de gens oublient que c’est une ouverture formidable sur le monde.

Illustration de Män Mvele
Et malheureusement, les usagers gardent les infographistes en bout de la chaîne et ne les intègrent pas dans le processus de décision, de réflexion par exemple quand on doit réaliser un produit, quand on doit réaliser une campagne. On fait appel à nous juste quand on a élaboré un brief et on nous dit ok, produisez-nous des supports de communication. Voilà la réalité.
Le combat justement avec M. LELE est que notre avis compte même dans la réflexion. Mais il faut aussi dire que c’est aussi de notre faute car la plupart de nos confrères ne sont pas au fait de la stratégie.
Quand on parle de stratégie marketing, de stratégie de communication, de stratégie publicitaire, la plupart des praticiens ne se retrouvent pas. Et là, j’accuse un peu l’État qui n’a pas pensé très tôt à mettre en place des cursus comme les vôtres savoir communication publicitaire qui n’existaient pas il y a 5 ans à ma connaissance. Mais avec le besoin a commencé à se faire sentir la volonté d’orienter les connaissances vers un terrain plus pratique. Alors il faut former les stratèges, approfondir et marquer la pratique de l’exercice de l’infographie.
Pourtant, beaucoup de graphistes ne pensent pas à de telles initiatives, à une formation approfondie car ça leur suffit d’être graphiste c’est tout.
C’est un tort car il est impératif de pouvoir jouer pleinement notre rôle : écouter pour savoir analyser, comprendre et interpréter les besoins du client afin de mettre à sa disposition et celle du consommateur des supports qui reflètent la situation que l’on veut exprimer. Cela demande un certain professionnalisme et un savoir-faire qui définissent les infographistes comme des communicateurs à part entière. J’aurai du mal après tout ce que je viens d’énoncer à me définir uniquement comme infographiste ; ce qui est assez réducteur à mon avis. Nous sommes des communicateurs au même titre que les grosses agences. En réalité, sans nous, il n’y a pas de panneaux publicitaires, il n’y a pas de billets d’invitations qui sortent. Mais si nous ne comprenons même pas les objectifs de communication, comment allons-nous arriver à faire atteindre des objectifs de business au client. Le terme d’infographiste est vraiment réducteur.

Illustration de Män Mvele
Étymologie et Académie Française
Question : Le préfixe ‘‘in’’ dans la formulation ‘‘infographie n’indique-t-il pas seulement l’introduction et l’usage de l’outil informatique ?
Cela est juste. Suite à une réflexion menée par l’académie française. Une réflexion qui a exclu toutes les parties prenantes, alors que l’idéal aurait été que l’on associe les professionnels du domaine pour qu’ils livrent tous les secrets de leur activité, en quoi elle consiste. Ils se sont limités à l’étymologie et la valeur perçue qu’ils avaient de ce métier pour valider le mot et il a été accepté.
Formation au Cameroun
Question : Comment un infographiste se forme au Cameroun à l’heure actuelle ?
Mon cursus déjà est assez atypique. J’ai fait des études de gestion et c’est par besoin que je suis arrivé au graphisme.
Le graphiste avec lequel je travaillais n’était plus très professionnel, très éthique. À un moment, il ne trouvait plus de temps pour s’occuper de moi. Alors comme tout bon camerounais, si tu ne peux plus le faire, alors je vais le faire moi-même. Il faut dire que cela ne s’est pas passé sans difficulté.
Aujourd’hui, il n’existe pas de véritable cursus et de politique de formation de vrais bons graphistes.
Les dispositifs mis sur pieds offrent des formations d’exécutants tout au moins de personnes qui savent utiliser des logiciels, pas plus mais pas des gens capables de pousser la réflexion, penser aux côtés des stratèges pour mener à bien une campagne. C’est pour cela que vous allez voir des gens comme Daniel Nelle être presque seul à avoir la stature et la qualité de directeur de création qui est l’équivalent d’un réalisateur pour la sortie d’un film. C’est un rôle dans une campagne qui est très important.
Il est vrai qu’à la base, on n’a pas pensé ce qu’on devait inculquer aux enfants : les notions fondamentales de la communication visuelle. Les formations qui existent reposent sur l’apprentissage des logiciels (Xpress, Illustrator, Photoshop, InDesign etc). Aucune préoccupation tournée vers les buts de communication, aucune disposition pour les interpréter, les analyser. On ne se préoccupe pas de comment concevoir dans un besoin spécifique. C’est pour répondre à ces besoins que nous avons lancé ce département de formation professionnelle (https://academy.lotincorp.biz) pour former des gens capables de mener une réflexion avec le client afin de l’accompagner dans la poursuite et l’atteinte de ses buts.
Moi, j’ai dû apprendre comme les anglo-saxons, tout seul. Grâce à cette culture africaine du parrainage, de l’apprentissage, de la transmission orale, j’ai pu me rapprocher souvent des aînés plus expérimentés qui me donnaient la conduite à tenir en cas de nécessité. Tu veux faire une affiche, voilà la conduite à tenir, ouvre tel logiciel, ainsi de suite.
Mais il n’y a pas de cursus véritablement en dehors de celui que nous proposons ici à Lotin Corp. Academy qui enseigne aux étudiants les étapes pour résoudre les problèmes de manière graphique. Tout d’abord écouter le client, pouvoir lui soutirer les informations qui vous permettent de répondre à son besoin, les informations sur les personnes à qui il s’adresse (sa cible) ; tout ça pour identifier le problème.
Il faut ajouter que pour parler à quelqu’un, il faut se mettre à sa place. Savoir ce qu’il vit, ce qu’il a dans ses poches, savoir s’il peut se payer le service qu’on lui propose. Si non comment faire pour créer le besoin en une personne de qui on ne sait rien du tout ? Toutes ces choses, les autres centres n’en tiennent pas compte car comme nous l’avons déjà mentionné plus haut, la formation se limite au maniement des logiciels et c’est un peu dommage.

Illustration de Män Mvele
Lien avec la communication
Question : La pratique de l’infographie a alors un lien avec la communication ?
Un lien étroit, sauf que les publicitaires (communicateurs) mettent en place une stratégie et adaptent des plans tactiques ajustés à la campagne pour atteindre des objectifs. Mais seulement après, ils ont besoin de personnes pour traduire les pensées développées pendant ces stratégies en visuels, quelqu’un pour habiller ces idées, quelqu’un pour leur donner une forme, un visage. Là, nous en arrivons aux fondamentaux de la communication : Émetteur – Récepteur – Support – Code. Un support doit être capable d’émettre, de codifier. Si l’infographiste n’arrive pas à interpréter les données issues des informations à lui livrées par le client, comment peut-il alors ressortir l’information ? La pub met en place des objectifs stratégiques et l’infographiste se charge de les dessiner dans l’espoir d’atteindre les objectifs que le marketing a fixé. Si je ne les comprends pas, comment est-ce que j’y arrive ?
C’est le problème de la formation au Cameroun et malheureusement, notre métier est perçu comme celui de la dernière chance. Quand un enfant a raté ses études, tout tenté, s’il ne réussit pas dans la pratique de l’infographie, alors c’est fini pour lui. C’est dommage de percevoir notre métier de cette façon. Comme je le disais, c’est un peu de la faute des infographistes qui ont laissé faire pendant longtemps. Heureusement, on a commencé à s’organiser, à vouloir nous professionnaliser pour faire les choses convenablement.
Mais vous savez, au Cameroun, quand on veut faire les choses convenablement, quand on veut mettre de l’ordre, on devient la personne qui dérange et dont tout le monde doit se méfier.
La question est là : demander un minimum de compétence pour exercer ce métier. Contrairement à l’art qui est un don, l’infographie est une compétence qui doit s’acquérir parce qu’on apprend à comprendre les autres, on apprend à communiquer efficacement.
Salut je suis Nicolas MANGA me semble t il acteur de votre bande dessinée je serai prêt à répondre à toutes vos préoccupations sur la loi 1076…….non plutôt 2020/011 du 20 juillet 2020 relative aux associations Culturelles